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INSUFFISANCES RESPIRATOIRES - MECANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES |
![]() Insuffisances respiratoires aiguës, A. TENAILLON - A. ARTIGAS, B. Collection Réanimation - Arnette - Dépôt Janvier 1998 Avant-propos Sans
vouloir paraphraser Molière en considérant que le "poumon"
est l'essentiel de l'organisme, il est de fait que la réanimation
moderne repose sur deux concepts : l'équilibre du milieu intérieur
et l'apparition de la suppléance ventilatoire, c'est-à-dire
l'insuffisance respiratoire aiguë. Il est d'ailleurs beaucoup plus
logique de parler des "insuffisances respiratoires aiguës" car,
si sur le plan biologique, une insuffisance respiratoire se manifeste
toujours par une altération des gaz du sang, les étiologies
et les mécanismes physiopathologiques sont très différents
d'un malade à l'autre. Comment comparer un pneumothorax compressif,
un syndrome de détresse respiratoire aiguë, un asthme ou
une défaillance neuromusculaire sinon pour dire que, dans tous
les cas, pour des raisons totalement différentes, l'effecteur
thoraco-pulmonaire est incapable d'assurer la charge qui lui est imposée
? En poussant le raisonnement à l'extrême, on peut considérer
que l'insuffisance respiratoire pose deux problèmes, celui de
l'hypoxémie par atteinte alvéolaire, celui du muscle respiratoire.
Ceci bien entendu à condition de ne pas prendre en compte (parti
pris de ce livre) les insuffisances respiratoires de causes périphériques,
qu'il s'agit d'une baisse du transport d'oxygène par état
de choc ou anomalie de l'hémoglobine (…) ou d'anomalies de la
captation ou de l'utilisation cellulaire de l'oxygène. Ce fait
est fondamental car il implique, sauf traitement étiologique
simple (drainage d'un pneumothorax, thrombolyse d'une embolie…) que
la prise en charge de ces malades ne révèle, sur le plan
respiratoire, que deux actions , la prise en compte de l'hypoxémie
(…) et la prise en compte de l'impuissance musculaire (ventilation mécanique).
Quelques mots clés : défaillance neuromusculaire - impuissance musculaire - pompe respiratoire - diaphragme - nerf phrénique - compliance - force - pression - déficit des muscles respiratoires - mécanique respiratoire - parésie diaphragmatique - pression inspiratoire - pression expiratoire - pompe ventilatoire - handicap respiratoire chronique - soufflet thoracique
Le système respiratoire est composé de deux parties : l'échangeur pulmonaire et la pompe constituée par les muscles respiratoires. Ces dernières années, le fait que la pompe respiratoire puisse être altérée a été évoquée. Il est ainsi apparu, à la lumière de travaux récents, que les muscles respiratoires jouent un rôle important dans la sensation de dyspnée et dans la génèse de certaines décompensations respiratoires aiguës. Parmi
les muscles formant la pompe respiratoire, le diaphragme est le plus
important. Il présente un certain nombre de particularités
par rapport aux autres muscles squelettiques périphériques
mais, comme ces derniers, il peut également se fatiguer. Les
conséquences de cette fatigue diaphragmatique sont cependant
beaucoup plus graves que pour la fatigue des muscles périphériques,
dans la mesure où, contrairement à ces derniers, le diaphragme
une fois fatigué, ne peut s'arrêter de fonctionner. En
effet, le diaphragme est le seul muscle squelettique devant se contracter
sans interruption pendant toute la vie. En ce sens, les muscles
respiratoires, dont le diaphragme est le muscle principal, constituent
une "pompe vitale", au même titre que la pompe cardiaque.
Du fait des
similitudes fonctionnelles entre le myocarde et le diaphragme, il est
logique de penser qu'il y a également des similitudes quant aux
mécanismes cellulaires aboutissant à la contraction de
ces deux tissus, notamment au niveau des processus du couplage excitation-contraction
; plusieurs travaux expérimentaux récents semblent aller
dans ce sens.
Le deuxième
élément fondamental de la contraction musculaire est l'aspect
énergétique. En ce qui concerne le muscle respiratoire,
il a été démontré, comme pour tous les muscles
squelettiques, qu'une fatigue survient lorsque les apports énergétiques
sont insuffisants pour satisfaire les besoins qui dépendent de
l'intensité de la contraction musculaire.
En dehors d'une
atteinte anatomique, le dysfonctionnement pur d'un muscle squelettique
est appelé fatigue musculaire. La fatigue d'un muscle squelettique
peut être définie comme l'impossibilité de continuer
à produire ou à maintenir une force donnée.
Le fatigue du muscle squelettique apparaît quant la consommation devient supérieure à la quantité d'énergie fournie par le sang. Les facteurs à l'origine des besoins d'énergie du diaphragme : 1) travail respiratoire
Il a été
démontré récemment qu'un certain nombre de troubles
métaboliques pourraient avoir une influence importante sur la
contractilité diaphragmatique.
Il est bien
entendu que dans certaines conditions expérimentales et cliniques,
le diaphragme peut être incapable de fournir une pression imposée.
L'inaptitude progressive du muscle comme générateur de pression
peut être mise en évidence par la mesure de la force maximale
qu'il peut développer. - Index tension-temps diaphragmatique
(TTdi)
L'activité
inspiratoire neuromusculaire mesurée notamment par la pression
d'occlusion (PO) est très élevée chez les patients
atteints de BPCO et impose une charge importante aux muscles respiratoires.
Ainsi, le niveau de PO1 mesuré chez les patients lors des poussées
de décompensation respiratoire aiguë est quatre fois plus
élevé que chez les sujets normaux. Cette activité
inspiratoire neuromusculaire élevée, si elle permet à
ces patients de conserver une ventilation totale proche de celle des
sujets normaux (mais avec un mode ventilatoire différent), impose
aux muscles respiratoires une charge très élevée.
(…) Tous ces facteurs vont donc contribuer à une dysfonction
des muscles respiratoires. ![]() La place
de la fatigue des muscles respiratoires, ses caractéristiques,
ses mécanismes physiopathologiques ont été
largement étudiés ces dernières années. Si,
chez l'insuffisant respiratoire chronique obstructif, des mécanismes
compensateurs permettent à l'état stable d'éviter
sa survenue, en situation aiguë, elle semble jouer un rôle
majeur dans la survenue des détresses respiratoires des BPCO. Cependant,
la prise en charge thérapeutique de cette fatigue des muscles respiratoires
et notamment sa prévention chez les patients en insuffisance respiratoire
aiguë ne pourront être optimisées que lorsque l'on disposera
de moyens simples et non invasifs pour la détecter au lit du malade.
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![]() La pompe respiratoire est constituée par les muscles respiratoires
Schéma du diaphragme |
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![]() J.C. Raphaël, I. Auriant, B. Clair, P. Gajdos. De nombreuses
maladies neuromusculaires peuvent provoquer une paralysie des muscles
respiratoires. La conséquence directe en est un syndrome
restrictif de sévérité plus ou moins marquée.
Le recours à la ventilation mécanique peut alors devenir
indispensable. Evaluation de la sévérité du syndrome restrictif. Cette évaluation doit idéalement se faire à l'état " stable". Or, si la définition de l'état stable est relativement claire dans une situation subaiguë ou chronique, dans une situation aiguë l'état stable perd de son sens. Néanmoins, le recueil répété de paramètres de sévérité, avec une fréquence qui dépend du contexte clinique, doit permettre de prendre la décision d'une éventuelle ventilation mécanique.
Il est
capital de se rappeler que les signes cliniques habituels de l'insuffisance
respiratoire sont ici peu marqués, voire totalement absents,
même chez les malades ayant une insuffisance ventilatoire majeure.
Le fait que la dyspnée soit généralement absente,
ou très discrète, est habituellement expliqué par
la limitation de l'effort musculaire provoqué par le déficit
moteur associé des membres mais reste à confirmer.
L'impossibilité de provoquer une inspiration profonde est une des explications de la diminution de la force de la toux. Le risque d'encombrement bronchique est majoré par l'existence d'une paralysie des muscles abdominaux, la présence de troubles de la déglutition et/ou une hypersialorrhée. L'examen
des mouvements respiratoires peut fournir des renseignements très
utiles à condition toutefois que cet examen soit codifié.
Quatre questions principales doivent être posées. Existe-t-il
des arguments pour supposer qu'il existe une diminution de la force
des muscles respiratoires ? Cette diminution est-elle globale ou porte-t-elle
avec prédilection sur certains muscles ? Quelle est la tolérance
clinique ? Existe-t-il des facteurs associés aggravants ?
L’examen
cinétique en amplificateur de brillance devrait théoriquement
être plus contributif.
Ils peuvent
aussi être pris en défaut, en effet les gaz du sang artériel
peuvent être normaux ou ne montrer qu’une hypoxémie discrète,
en rapport avec des anomalies du rapport ventilation/perfusion, notamment
en position couchée.
L’expérience acquise avec les poliomyélitiques a montré l’intérêt de la surveillance répétée de la capacité vitale (CV) dont la baisse était prédictive de l’insuffisance respiratoire : tous les auteurs insistent sur l’importance de la mesure répétée de la CV dans les pathologies neuromusculaires. (…) La CV doit être mesurée en position assise et en position couchée pour au moins trois raisons : La diminution de la CV en position couchée doit faire évoquer la possibilité d’une paralysie diaphragmatique (…). Une CV nettement
diminuée (inférieure à 30 % de la théorique)
est à l’évidence l’indice d’une situation préoccupante,
surtout dans une pathologie aiguë, et ce quelle que soit la valeur
des gaz du sang. Pourtant, une CV supérieure à ces chiffres
peut s’associer à une hypercapnie, notamment dans des affections
atteignant avec prédilection le diaphragme, comme certaines formes
de sclérose latérale amyotrophique ou les myopathies par
déficit en maltase acide. D’autres mesures, comme celle de la fatigue des muscles respiratoires notamment, restent encore du domaine de la recherche. Les développements récents de méthodes non invasives visant à étudier de façon plus précise le mode de ventilation spontanée, les troubles de la mécanique thoracique, la coordination thoraco-abdominale, devraient permettre une meilleure approche physiopathologique. Pathologies subaiguëes ou chroniques Deux types de problèmes doivent être distingués : Le premier
concerne la conduite à tenir vis-à-vis du handicap
respiratoire chronique de ces patients et notamment la décision
de la ventilation à domicile (VAD) (…) En résumé,
la sévérité de l’insuffisance respiratoire provoquée
par les maladies neuromusculaires est habituellement sous-évaluée.
La contraction
des muscles respiratoires a pour effet essentiel de créer une
dépression intrathoracique qui, en présence de voies aériennes
perméables et ouvertes, entraîne un déplacement
d'air de l'extérieur vers l'intérieur du thorax. Habituellement,
l'essentiel de l'énergie musculaire est consacré à
l'effort inspiratoire ; l'expiration, tout au moins dans des conditions
normales et en dehors de l'effort, est passive, favorisée par
le relâchement musculaire + brutal et l'élasticité
des structures. L'importance de l'effort généré
par les muscles respiratoires dépend des forces qu'ils doivent
vaincre : forces résistives (…) ou élastiques
(…). Plus ces forces sont importantes, plus l'effort à fournir
est grand pour obtenir le volume courant nécessaire. En d'autres
termes, la transformation de l'effort (…) en un volume dépend
de la combinaison de ces forces, ce que l'on appelle habituellement
la mécanique respiratoire.
La fatigue des muscles respiratoires a été définie comme une incapacité, réversible avec le repos, des muscles respiratoires à maintenir indéfiniment une force donnée. (…) On sait que les conditions critiques d'effort musculaire peuvent se définir par le rapport de la pression ou de la force développée à chaque inspiration sur la force ou la pression totale pouvant être développée par les muscles.
![]() Le diaphragme (muscle de la paroi abdominale). (…) La voûte diaphragmatique n'est pas régulière. On distingue 2 parties :
Le centre phrénique (…) est une lame tendineuse très résistante, allongée transversalement, échancrée en arrière, et occupant la partie centrale du diaphragme. La partie périphérique ou charnue du diaphragme. Insertion : le diaphragme s'insère sur tout le pourtour interne de l'ouverture inférieure du thorax c'est-à-dire – sur la colonne vertébrale, - sur les côtes, - et sur le sternum.
T. SHARSHAR Nous insisterons
sur les signes d’insuffisance respiratoire d’origine neuromusculaire,
pour les raisons suivantes : La mesure
de la CV a un intérêt diagnostique et thérapeutique
car elle détecte une insuffisance respiratoire asymptomatique
(…) survenue d’un épuisement des muscles respiratoires.
Il s’agit de détecter une insuffisance respiratoire aiguë dont l’expression clinique est souvent fruste dans les pathologies neuromusculaires. DIAGNOSTIC D’UNE INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUE
La dyspnée est souvent discrète,
la patient ressentant plutôt une sensation d’angoisse,
d’oppression thoracique ou de réduction du débit
verbal. L’impossibilité
de compter jusqu’au chiffre 20 indiquerait une diminution de la C.V.
en – dessous de 20 ml/kg.
La valeur diagnostique et pronostique des signes fonctionnels et cliniques respiratoires ainsi que des données gazométriques et radiologiques doit être relativisée. D’une part, ces signes sont souvent difficilement reconnus par les cliniciens, mêmes expérimentés. (…) D’autre part,
l’existence d’une orthopnée, d’un balancement thoraco-abdominal,
de signes de tirage et d’une hypercapnie ne sont pas spécifiques
d’une insuffisance respiratoire d’origine neuromusculaire et ne doit
pas faire d’emblée écarter une autre cause. La surélévation
des coupoles diaphragmatiques peut être également secondaire
à une pneumopathie ou )à des troubles de la ventilation.
Il s’agit
essentiellement de la mesure d’une part de la C.V. et des volumes de
réserve inspiratoire (VRI) et expiratoire (VRE) qui la composent,
d’autre part des pressions inspiratoires (PI) et expiratoires (PE) maximales.
Les valeurs du VRI et VRE sont corrélées à la force
développée par les muscles respectivement inspiratoires
et expiratoires.
Evaluation du handicap respiratoire. Evaluation clinique de la sévérité du syndrome restrictif D’une façon
générale, l’atteinte respiratoire de ces patients est
sous-évaluée, voire totalement ignorée. La
dyspnée est habituellement absente, ou très modeste, chez
des sujets qui présentent parfois une restriction majeure
de leur capacité vitale, inférieure à 30
% des valeurs théoriques. Ce fait surprenant est classiquement
expliqué par la limitation de l’effort physique. (…) L’existence
d’une orthopnée, surtout lorsqu’elle survient de façon
immédiate, dès le passage en décubitus, doit faire
évoquer la présence d’une paralysie diaphragmatique
bilatérale. La paralysie diaphragmatique a des conséquences
majeures sur la mécanique respiratoire. non seulement elle
provoque une réduction marquée de la capacité vitale,
mais de plus elle accentue le syndrome restrictif en position couchée
du fait de la gravité qui repousse les viscères vers
le haut. Ce phénomène, encore aggravé durant
le sommeil, a des répercussions majeures sur l’hématose.
Il contribue à l’apparition de l’hypercapnie diurne. Les céphalées
matinales, l’hypersomnie diurne, les troubles du sommeil sont des signes
classiques de l’insuffisance respiratoire chronique qu’il faut savoir
rechercher par un interrogatoire particulièrement rigoureux.
L’insuffisance respiratoire chronique (IRC) est classiquement définie par l’impossibilité par l’appareil respiratoire de maintenir des gaz du sang normaux. Justification physiopathologique Sur le
plan physiopathologique, il est possible de distinguer schématiquement
2 grands types d’IRC.
IRC secondaire à une atteinte préférentielle de l’échangeur pulmonaire proprement dit (parenchyme). IRC secondaire à une atteinte prédominante du soufflet thoracique Elle concerne la pathologie neuro-musculaire, les atteintes pariétales, les anomalies de la commande respiratoire, le parenchyme pulmonaire étant à priori sain.
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![]() Syndrome de détresse respiratoire auguë - F. Lemaire Le SDRA de l'an 2000 Enfin, récemment,
Gattinoni et coll. Ont proposé de séparer 2 formes
de SDRA, pulmonaire et extra-pulmonaire. Ils ont mesuré dans
un groupe de patients avec un SDRA non pulmonaire, des altérations
majeures de la paroi thoracique et une moindre diminution de
la compliance pulmonaire.
Le Syndrome de détresse respiratoire aiguë est caractérisé par des anomalies majeures de la morphologie pulmonaire, ainsi que de la mécanique respiratoire et des échanges gazeux. La compliance respiratoire statique n’est pas reliée à la quantité de poumon « malade » mais de façon linéaire à la quantité de poumon qui reste aéré, suggérant que la compliance est d’autant plus diminuée que le poumon aéré « résiduel » est petit.
La modification
de la CRF (capacité résiduelle fonctionnelle) chez les
sujets anesthésiés et paralysés, en décubitus
ventral, n’a pas été explorée de façon extensive.
Cependant, les données récentes suggèrent que la
position en décubitus ventral améliore la CRF, parce que
le contenu abdominal est libre de se déplacer plus librement.
La ventilation
en DV suscite depuis plus de dix ans un grand intérêt et
de nombreuses publications.
L’approche
traditionnelle de la ventilation des patients atteints de SDRA, lorsque
l’on pensait que les poumons étaient atteints diffusément
de façon homogène, avec une baisse de compliance pulmonaire,
a été inspirée par la ventilation en anesthésie,
où les poumons traités sont normaux, et n’ont besoin d’être
ventilés que pour une période brève.
Du « poumon
» rigide (stiff lung) au « petit poumon » (baby lung).
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