MECANISMES ET DIAGNOSTIC DES DYSPNEES

 

MECANISMES ET DIAGNOSTIC DES DYSPNEES 

C. Strauss, T. Similowski, M. Zelter, JP. Derenne
Mécanismes et diagnostic des dyspnées. Encyclop. Med. Chir. (Elsevier, Paris). Pneumologie, 6-090-E-15, 1998, 7p.

  Résumé

      La dyspnée, "essoufflement“ en langage commun, désigne une sensation respiratoire pénible ou désagréable. Elle constitue un symptôme fréquent, et souvent handicapant, de nombreuses pathologies respiratoires, cardiaques ou neuromusculaires. Les afférences nerveuses susceptibles de lui donner naissance sont multiples, mécaniques (muscles, bronches, parenchyme pulmonaire, voies aériennes supérieures) ou chimiques. La perception d’une augmentation importante ou inadéquate de l’intensité de la commande centrale ventilatoire peut aussi contribuer à cette sensation. La mesure de la dyspnée se limite souvent aux limites du langage. Afin d’en accroître l’objectivité, on utilise différents types d’échelles psychophysiologiques et des méthodes électrophysiologiques sont en cours de développement. Le traitement de la pathologie causale est le meilleur moyen de soulager la dyspnée. Cependant, ce n’est pas toujours possible, d’où l’importance d’une meilleure connaissance des mécanismes régissant la dyspnée, dans l’optique de thérapeutiques symptomatiques.

  Introduction

      La respiration normale est un acte inconscient ne donnant normalement lieu à aucune sensation. Mais dans certaines situations, comme l’exercice, ou à l’occasion de certaines pathologies pulmonaires, cardiaques ou neuromusculaires, des perceptions liées à divers phénomènes respiratoires peuvent apparaître, et parfois être ressenties comme inconfortables, ou désagréables, ou gênantes (tableau 1). On parle alors d’essoufflement ou de dyspnée. Ce terme est ambigu, car il peut être utilisé aussi bien pour décrire une sensation normale (exercice) que le symptôme d’une maladie. Certains auteurs préfèrent donc réserver le terme de dyspnée à un inconfort respiratoire survenant pour un niveau d’activité usuel, n’entraînant normalement aucune gêne. Cette définition ne lève que partiellement l’ambiguïté, mais permet de dire que la dyspnée est d’autant plus sévère que l’intensité de l’activité qui la provoque est faible. Les difficultés sémantiques sont accrues par le fait que la dyspnée est une sensation multidimensionnelle, dont la reconnaissance, la tolérance et l’expression dépendent de la subjectivité, du vécu antérieur, des émotions et de la psychologie de l’individu. L’expression et la description de la dyspnée reposant obligatoirement sur le langage, celui-ci représente un facteur limitant majeur à sa quantification et à sa compréhension. Ainsi, les barrières linguistiques et culturelles sont-elles un obstacle supplémentaire à l’étude de la dyspnée (…). Il faut insister sur la nature subjective de la dyspnée, qui est donc indépendante de la fréquence respiratoire et du profil respiratoire (tableau 1). On peut être polypnéique et ne pas rapporter de dyspnée (…), ou bien très « essoufflé » avec une fréquence respiratoire normale.

Tableau 1

      En tant que symptôme, la dyspnée constitue fréquemment, au cours des maladies cardiaques ou respiratoires chroniques, une source majeure de handicap, limitant l’activité des patients et ayant une répercussion très négative sur leur qualité de vie. La dyspnée peut en cela, dans une large mesure, être comparée à la douleur. Des mécanismes physiopathologiques communs sont d’ailleurs suggérés par certaines observations d’efficacité de la morphine sur la dyspnée d’effort de patients (…) cependant la dyspnée diffère de la plupart des autres sensations en ce que les voies afférentes qu’elle implique ne sont pas clairement identifiées. En effet, on ne connaît pas pour la dyspnée de récepteurs spécifiques analogues aux terminaisons libres des fibres C pour la douleur. (…) bien qu’il existe clairement des projections d’afférences respiratoires au niveau du cortex cérébral chez l’homme et qu’il soit possible d’induire des contractions diaphragmatiques par stimulation directe du cortex moteur primaire ou bien des apnées par stimulation du cortex limbique, il n’existe pas d’aire corticale ou sous-corticale dont la stimulation provoque des sensations respiratoires ou dyspnéiques, ou dont la destruction supprime ces sensations.
L’étude de la dyspnée est donc extrêmement complexe.

 

  Mécanismes de la dyspnée

      De nombreux travaux ont été consacrés au rôle respectif des différentes afférences dans les sensations respiratoires. « Sensation respiratoire » n’est pas synonyme de dyspnée : certaines extrapolations doivent être considérées avec prudence. Plusieurs voies afférentes sont potentiellement impliquées dans la perception des sensations respiratoires et la dyspnée. Les situations expérimentales ou pathologiques qui permettent l’étude privilégiée du rôle de l’une ou de l’autre de ces voies montrent qu’aucune d’elles n’est indispensable aux sensations respiratoires, ni vraisemblablement à la dyspnée. Il semble qu’il existe en fait plusieurs voies afférentes parallèles, peur-être même redondantes. Elles véhiculent des signaux provenant de récepteurs de la paroi thoracique (muscles respiratoires inclus), de récepteurs pulmonaires et bronchiques, de récepteurs des voies aériennes supérieures et de chémorécepteurs centraux et périphériques. Il est probable que les sensations respiratoires sont le résultat de la mise en jeu simultanée de plusieurs signaux.

 

  Récepteurs de la paroi thoracique

      La paroi thoracique est constituée d’une part par une structure osseuse et cartilagineuse (les côtes, le sternum et la colonne vertébrale), et d’autre part par un ensemble de muscles impliqués dans la respiration (diaphragme, intercostaux, sterno-cléido-mastoïdien, scalènes …). Il faut noter que la plupart de ces muscles ont une fonction mixte, respiratoire et posturale ou cinétique. Cela explique qu’au cours de maladies respiratoires sévères, par exemple, des actions non respiratoires mettant ces muscles en jeu aux dépens de leur action respiratoire puissent être source de dyspnée.
      De nombreux arguments plaident pour un rôle majeur des muscles respiratoires dans les perceptions respiratoires. Comme tous les muscles striés, les muscles de la paroi thoracique son pourvus de fuseaux neuromusculaires et d’organes tendineux de Golgi susceptibles de fournir des informations afférentes précises quant à la longueur des muscles, à leur tension et à leurs déplacements. (…)
Le rôle des récepteurs de la paroi thoracique dans la dyspnée est fortement suggéré par le soulagement que des vibrations appliquées au niveau du muscle parasternal procurent à une dyspnée induite par l’hypercapnie ou par une charge résistive, alors que des vibrations appliquées au niveau du deltoïde n’ont pas cet effet.
      Un sujet normal peut détecter une charge élastique inférieure à 20 % de l’élastance de son système respiratoire et une charge résistive inférieure à 25 % de la résistance de son système respiratoire. Ce seuil de détection est comparable aux seuils observés pour d’autres modalités sensorielles. La perception d’une charge inspiratoire est directement reliée à la pression développée par les muscles inspiratoires, pression qui dépend, entre autres éléments, de la force de la contraction qui la produit. Ainsi, la perception des charges respiratoires ne diffère-t-elle pas de la perception des charges imposées à n’importe quel muscle squelettique. (…)
      Les arguments en faveur d’un rôle prédominant des muscles respiratoires dans la détection des charges ventilatoires et dans la dyspnée induite par l’apnée ont conduit Campbell, en 1961, à énoncer une hypothèse probablement en partie inexacte mais devenue classique : la dyspnée serait causée par la perception d’une relation inappropriée entre tension et longueur des muscles respiratoires, qui peut se traduire au niveau de l’appareil respiratoire dans son ensemble, par une altération de la relation pression-volume. En d’autres termes, la dyspnée résulterait de la perception d’une variation de volume pulmonaire inférieure à celle normalement programmée par les centres nerveux pour une variation de pression donnée.

 

 

La dyspnée, "essoufflement“ en langage commun, désigne une sensation respiratoire pénible ou désagréable

 

 

Si le terme dyspnée peut être utilisé pour désigner une sensation normale après exercice, il peut décrire le symptôme d'une maladie

 

 

 

La respiration normale est une acte inconscient ne donnant normalement lieu à aucune sensation

 

 

 

En tant que symptôme d'une maladie, la dyspnée constitue fréquemment une source majeure de handicap

 

 

 

Les voies afférentes de la dyspnée ne sont pas clairement identifiées. L’étude de la dyspnée est donc extrêmement complexe

 

 

 

 

De nombreux arguments plaident pour un rôle majeur des muscles respiratoires dans les perceptions respiratoires, notamment dans la dyspnée

 

 

 

Campbell, en 1961, énonce l'hypothèse : la dyspnée serait causée par la perception d’une relation inappropriée entre tension et longueur des muscles respiratoires


 

 

 

 

 

 

 

 

 

La dyspnée est une sensation consciente dont la mesure est rendue difficile. Elle s'exprime avant tout par le langage

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les descriptions de la dyspnée sont en effet très variées. Elles reflètent différentes qualités de perception, peuvent être liées aux combinaisons variables de mises en jeux de voies afférentes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Commande ventilatoire

      En parallèle à l’hypothèse de Campbell, un autre phénomène, impliquant la commande motrice centrale, pourrait aussi expliquer la sensation de dyspnée indépendamment de toute mise en jeu d’afférences périphériques. Il s’agit de la perception anormale de l’intensité de la commande motrice respiratoire, ou de la perception normale d’une commande augmentée, la dyspnée pouvant en première approximation être mise en parallèle à la sensation de fatigue, et la commande respiratoire à l’intensité d’un effort. (…)
      Pour certains, tentant d’unifier les deux théories, la dyspnée serait finalement le résultat d’une distorsion du triangle reliant tension musculaire, longueur musculaire, et perception de l’intensité de la commande correspondante. Malgré la cohérence de cette hypothèse qui attribue une fonction privilégiée aux muscles respiratoires et à leur commande centrale dans l’origine des sensations respiratoires et de la dyspnée, le rôle d’autres afférences demeure vraisemblable.

 

  Récepteurs pulmonaires

      Le poumon comporte essentiellement quatre types de récepteurs dont la voie finale commune est le nerf vague : les récepteurs à adaptation lente, les récepteurs à adaptation rapide et les fibres C bronchiques et pulmonaires . (…) Le rôle des afférences pulmonaires vagales dans la dyspnée semble en fait dépendre du type de récepteur stimulé. La stimulation des récepteurs à adaptation rapide augmenterait la dyspnée alors que la stimulation des récepteurs à adaptation lente la réduirait.

 

  Récepteurs des voies aériennes supérieures

      Les signaux afférents des voies aériennes supérieures sont véhiculés par plusieurs paires crâniennes : le nerf vague, le glossopharyngien, le grand hyperglosse et le trijumeau. Ces nerfs véhiculent des informations provenant de plusieurs types de mécanorécepteurs qui peuvent contribuer à des sensations d’irritation, de pression et de débit. Si leur rôle dans la perception des charges respiratoires demeure controversé, il est néanmoins probable qu’ils modifient les sensations respiratoires.


  Mesure de la dyspnée

      La dyspnée peut être un symptôme qui exprime une situation pathologique. Il est donc souhaitable de pouvoir la quantifier pour pouvoir en évaluer la gravité, en suivre l’évolution et, tout simplement pouvoir l’étudier. La dyspnée est une sensation consciente dont la mesure est rendue difficile par la subjectivité des individus. Elle s’exprime avant tout par le langage qui permet d’en décrire la qualité. Mais le langage dépend du vécu de l’individu. Tous les individus n’ont pas une perception égale de leur respiration et, comme pour la douleur, cette perception est modifiée par l’état émotionnel ou psychologique. Les méthodes de la psychophysiologique ont donc été appliquées à la dyspnée afin d’établir des outils de mesure plus objectifs. Mais les échelles ainsi mises a u point se heurtent encore aux limites imposées par le recors au langage. Afin d’obtenir des mesures dénuées de subjectivité, des techniques électrophysiologiques sont en cours de développement.

 

  Langage de la dyspnée

      A côté des variations interindividuelles de perception des sensations, il peut exister des « erreurs » dans la reconnaissance de ce qui signifie ces sensations, ou plus simplement dans l’évaluation de leur intensité. De telles erreurs peuvent provenir de différentes situations, environnementales, physiques, psychologiques, comportementales ou cognitives. Ainsi, la sensation de dyspnée peut être modifiée par les motivations ou les émotions. La colère comme l’anxiété sont associées à la sensation d’une ventilation rapide et difficile. La dépression induit souvent unes sensation de ventilation lourde et pénible. Certains patients asthmatiques ont des difficultés à reconnaître l’apparition d’une bronchoconstriction aiguë et sont, de ce fait, exposés à une plus grande morbidité, voire à une plus grande mortalité. Les patients bronchopathes chroniques obstructifs qui perçoivent une dyspnée d’effort, ont parfois tendance à l’attribuer à « l’âge » ou au « manque de forme ». Enfin, certains patients minimisent leur dyspnée par des changements de comportement et une réduction de leur activité.
      Dans de nombreux cas, il est ainsi difficile de se fier aux descriptions des sensations respiratoires, et il est probable que l’emploi de certains termes identiques recouvrent parfois des sensations différentes. Les descriptions de la dyspnée sont en effet très variées. Elles reflètent différentes qualités de perception, peuvent être liées aux combinaisons variables de mises en jeux de voies afférentes.

      Plusieurs types de « dyspnée » ont ainsi été répertoriés :

- la sensation d’ »augmentation de ventilation »,
- la « gêne respiratoire »,
- la « suffocation »,
- la « respiration courte »
- la nécessité impérieuse de mettre fin à une apnée volontaire,
- ou bien la sensation de « souffle retenu »,
-d’ »irritation des bronches »,
- d’ »obstruction respiratoires »,
-de « manque d’air »,
-ou bien encore la « constriction thoracique »,
- la sensation de « ventilation excessive »,
- la sensation de « fréquence respiratoire excessive »,
-et la « difficulté dans l’acte de respirer ».

      Simon et Al ont mis en évidence plusieurs catégories descriptives dont la combinaison permet de rendre compte de la qualité de la dyspnée éprouvée au cours de différentes pathologies cardiopulmonaires :

- la sensation de « respiration rapide »,
- la sensation d’ »expiration difficile »,
- la sensation de « respiration superficielle »,
- la sensation de « travail ou d’effort respiratoire augmenté »,
- la « suffocation »,
- la « soif d’air »,
- l’oppression thoracique.

      Mais quelles que soient les modalités de description de la dyspnée, elle est toujours vécue comme une expérience désagréable et inconfortable.


 

 

  Quantification de la dyspnée

      Le langage permet une description qualitative de la dyspnée utile à la démarche diagnostique, mais insuffisante à la mesure quantitative. Or, quantifier la dyspnée est utile à l’évaluation de la gravité, au suivi de l’évolution et à la recherche. Des échelles de mesures ont donc été développées, essentiellement à partir de modèles courants en psychopathologie.
      Les échelles de catégorie verbales sont probablement parmi les plus faciles à comprendre et à utiliser par les patients. Elles consistent en mots familiers placés dans un ordre déterminé par l’intensité croissante de la sensation, par exemple : aucune, légère, modérée, forte, très forte. Mais ces échelles ne se prêtent pas directement à une analyse numérique. Des échelles numériques ont donc été mises au point. Elles peuvent avoir des propriétés ordinales, d’intervalles ou de proportions. (….)
      L’échelle visuelle analogique est une ligne verticale ou horizontale qui représente tous les niveaux d’intensité de dyspnée que le sujet peut éprouver(fig 1 A). Les deux extrémités comportent une annotation précisant pour l’une « absence de dyspnée » » et pour l’autre « dyspnée maximale ». Le sujet évalue l’intensité de sa dyspnée en indiquant un point sur la ligne. (…)
      L’échelle de Borg repose sur l’association d’une échelle de catégories verbales et d’une échelle numérique.(Fig 1 B). Sa fonction initiale était la mesure de l’effort au cours de l’exercice par une échelle facilement comprise par les sujets et permettant une comparaison interindividuelle. (…)
      L’échelle visuelle analogique et l’échelle de Borg sont bien adaptées à une mesure aiguë de la dyspnée. En revanche, d’autres outils sont recommandés pour une évaluation sur une longue période. Il s’agit de questionnaires attribuant un nombre différent de points selon les réponses, le total des points constituant une mesure de la dyspnée sur une période prolongée. Ainsi, en est-il de l’index de dyspnée de base et de transition développé par Malher et al. Cet index comporte trois dimensions relatives à la dyspnée : la détérioration fonctionnelle, l’importance des tâches accomplies, l’amplitude de l’effort. Chaque dimension comporte cinq degrés.


  Potentiels évoqués

      Tous les moyens d’évaluation de la dyspnée précédemment cités font appel à la subjectivité du patient. Il serait donc intéressant de disposer de moyens d’investigation des afférences respiratoires et de leur traitement cortical, indépendants des limites de l’expression individuelle. Les techniques électrophysiologiques pourraient fournir ce type de moyens, même s’il ne s’agit encore que d’une voie de recherche.

 

  Dyspnée au cours de quelques pathologies

      La dyspnée peut être un symptôme traduisant une situation pathologique même si celle-ci n’est pas toujours organique. Les pathologies dyspnéisantes méritent un intérêt particulier, car l’étude de la dyspnée qu’elles induisent peut non seulement améliorer la démarche diagnostique mais aussi la compréhension de la physiopathologie de la dyspnée.
Asthme
Bronchopneumopathie chronique obstructive
Insuffisance cardiaque aiguë

 

  Maladies neuromusculaires

      Les patients atteints de maladie neuromusculaire décrivent souvent leur dyspnée comme une sensation de « respiration superficielle » associée à une impression d’ « augmentation du travail et de l’effort respiratoire ». Le principal mécanisme de la dyspnée est alors probablement la perception de l’augmentation de la commande motrice.

      La sclérose latérale amyotrophique (SLA) fournit un modèle intéressant de physiopathologie de la dyspnée au cours des maladies neuromusculaires. Cette affection dégénérative touchant les motoneurones centraux et périphériques, relativement fréquente (environ 800 nouveaux cas par an en France), mortelle en moyenne 36 mois après le diagnostic, comporte quasi- constamment une atteinte respiratoire qui en domine le pronostic. Malgré cela, les patients ne sont que rarement et tardivement dyspnéiques, peut-être parce que le handicap moteur consécutif à la maladie et la perte musculaire correspondante limitent leurs « besoins » ventilatoires. C’est probablement par un mécanisme analogue que ces patients ne deviennent hypercapniques que très tardivement, alors même que leurs indices spirométriques et les pressions respiratoires statiques qu’ils peuvent développer sont déjà altérées à l’extrême. La dyspnée chez ces patients semble corrélée à la survenue d’une atteinte de leur diaphragme, et elle augmente en intensité à mesure que la fonction diaphragmatique se dégrade. Or, malgré le caractère amyotrophiant de la SLA, certains patients ayant une paralysie diaphragmatique complète ont une hypertrophie apparente et une hyperactivité physique des muscles inspiratoires accessoires du cou. Cette hypertrophie, probable compensation de la « disparition » progressive du diaphragme, implique que le travail respiratoire est transféré du diaphragme vers les muscles du cou, ce qui est en soi une source de dyspnée.

 

  Dyspnées sans cause organique

      Une dyspnée peut être l’une des formes d’expression de l’anxiété, de l’angoisse, ou de l’attaque de panique. Dans certaines classifications, la dyspnée sépare en fait l’attaque de panique d’autres formes de manifestations anxieuses. Le syndrome d’hyperventilation, qui peut être aigu ou chronique, est une entité nosologique qui comporte un cortège de symptômes dont les plus fréquents sont ceux de la tétanie. Il se caractérise souvent par la coexistence de dyspnée et d’anxiété, sans que n’existe de consensus quant au lien de cause à effet entre les deux éléments. L’hyperventilation pourrait en effet être le résultat de l’anxiété, ou bien celle-ci n’être que la conséquence de modifications comportementales touchant la ventilation. D’une façon générale, il est important de souligner que dyspnée et anxiété sont souvent intimement associés. Cela suggère une éventuelle relation physiopathologique mais implique également de la part du clinicien une grande vigilance. L’association « angoisse » ou « anxiété », et « dyspnée » peut parfaitement être présente au cours de maladies organiques, l’asthme ou certaines pathologies cardiovasculaires en fournissent des exemples caractéristiques. La « réaction anxieuse » à une pathologie organique dyspnéisante peut de plus avoir des expressions très variables, dépendant par exemple du contexte socioculturel, au même titre que la « réaction douloureuse » à une affection abdominale ou autre. Le diagnostic de dyspnée satellite d’une affection ou d’une situation de nature psychopathologique (y compris certaines dyspnées factices) doit rester, quel que soit le contexte, un diagnostic d’exclusion.

      La dyspnée est une sensation complexe dont aucune voie afférente n’explique à elle seule le mécanisme. Il s’agit d’un symptôme dont l’importance clinique est majeure puisqu’il révèle une situation pathologique qu’il faudra prendre en compte, et qu’il peut constituer un sérieux handicap, voire une grande détresse, pour les patients. Le traitement de l’affection causale ou de ses manifestations peut être efficace sur la dyspnée, surtout dans les situations aiguës, mais il n’est parfois pas disponible, par exemple dans les dyspnées de certains cancers ou des insuffisances respiratoires chroniques obstructives ou restrictives. Le traitement symptomatique est alors la seule ressource. Peu de solutions sont actuellement disponibles. La poursuite d’une recherche physiopathologique et pharmacologique intense est donc particulièrement importante dans ce domaine.

 

Quantifier la dyspnée est utile à l’évaluation de la gravité, au suivi de l’évolution et à la recherche

 

 

La dyspnée est un symptôme traduisant une situation pathologique

 

 

 

 

 

Les patients atteints de maladie neuromusculaire décrivent souvent leur dyspnée comme une sensation de « respiration superficielle » associée à une impression d’ « augmentation du travail et de l’effort respiratoire »

 

 

 

 

La dyspnée est une sensation complexe dont aucune voie afférente n’explique à elle seule le mécanisme. Il s’agit d’un symptôme dont l’importance clinique est majeure puisqu’il révèle une situation pathologique.

 

 

 

 

 

 

La poursuite d’une recherche physiopathologique et pharmacologique intense est donc particulièrement importante dans ce domaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMENTAIRES - REFLEXION


« DE LA DIFFICULTE DE PARLER DE SA FATIGUE, DE LA DECRIRE, CE EN QUOI ELLE GENE, ENTRAVE »

      La fatigue des membres sera abordée dans les commentaires : syndromes myasthéniques - Les bras et les jambes peuvent être mis au repos, souvent voire très souvent, selon le poste de travail, selon l’activité ou le repos.

      Le syndrome de fatigue musculaire généralisée (quatre membres), de bras et jambes facilement douloureux (algiques à la pression et à la mobilisation), engendre un vécu de qq chose de pénible et d’inconfortable. Ces symptômes, à des degrés divers, peuvent être ou sont invalidants (notamment pour effectuer des gestes courants). Mais ce n’est pas l’inconfort au niveau des membres qui engendre la détresse, la souffrance psychologique, au niveau où elle est ressentie par bon nombre d’individus ayant reçu trois ou quatre doses vaccinales hep. B.

      Passons au ressenti dans le tronc, et surtout le thorax. Cette sensation d’anéantissement sur les épaules et la poitrine, cette sensation que chaque mouvement respiratoire représente un effort, une difficulté. Envie de toujours ouvrir la bouche pour prendre de l’air, pour se soulager, mais cela ne fait rien. Sensation de se mettre en apnée pour parler, comme si respirer et parler à la fois constituaient un travail trop conséquent : ce qui est le cas d’ailleurs ! ( Puisque les muscles du larynx sont les muscles de la phonation et qu’ils effectuent un travail accessoire dans la respiration. La voix se pose sur le diaphragme. De plus les muscles respiratoires accessoires sont recrutés de façon accrue pour la respiration , lors d’une fatigue des muscles respiratoires principaux)..

      « La dyspnée survient chaque fois que le travail respiratoire est excessif » . Cela est le cas en permanence lorsque les muscles respiratoires sont faibles, déficitaires, ont un certain degré d’impuissance à effectuer le travail respiratoire.

      « L’expression et la description de la dyspnée reposant obligatoirement sur le langage, celui-ci représente un facteur limitant majeur à sa quantification et à sa compréhension » - les auteurs de ce chapitre -. Donc vous n’avez que la parole, le langage, et vous vous épuisez au fur et à mesure que vous vous investissez à en parler. Et si vous craquez avant d’avoir été compris : « Ah, mais vous nous faites une petite dépression, un petit stress ! » entend-on. Donc, vous êtes piégé, quoique vous fassiez, il faut vous exprimer puisque vous êtes là pour dire ce qui ne vas pas, mais au fur et à mesure de vos paroles, vous prenez conscience que vous vous enfoncez. Il faudrait arriver à une consultation avec un panneau : « JE N’AI QUE LA PAROLE, ET IL FAUT CROIRE CETTE PAROLE ».

      Il faut faire remarquer que, alors que la parole nous épuise, c’est une situation où seule la parole, des explications, peuvent enclencher une recherche de diagnostic. Et c’est plus ou moins au patient de rechercher ce dont il souffre sur le plan organique. Un patient qui souffre de leucémie, d’insuffisance rénale, ou de diverses pathologies, n’a pas à poser lui-même le diagnostic. A croire que les médecins n’ont pas la notion de fatigue chronique des muscles respiratoires. (C’est ce sur quoi tous les auteurs insistent. De plus le Groupe de Travail Muscles Respiratoires a pour objectif, entre autres, de sensibiliser les pneumologues à cette pathologie).

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