La France championne
du monde pour la consommation des drogues psychotropes |
LA FRANCE MEDAILLE D ‘ OR DES
PILULES DU BONHEUR
8O millions de boîtes de tranquillisants consommées chaque année Sommes-nous les gens les plus déprimés de la terre ? Non. Pourtant, un livre-rapport du professeur Zarifian établit de façon irréfutable que notre pays consomme de deux à quatre fois plus d’anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs et autres neuroleptiques que n’importe quel autre pays européen. Voici Pourquoi. (…) Reste une triste vérité. On le sait depuis longtemps, on ne cesse de le dire, de le répéter, de l’écrire et de le lire partout : la France est la championne du monde toutes catégories pour la consommation des drogues psychotropes, ces fameuses petites pilules du bonheur – tranquillisants, hypnotiques, antidépresseurs et autres neuroleptiques On l’a même tellement entendue, cette triste affirmation, que l’on finit par ne plus y prêter attention, par vivre avec, car on s’habitue à tout. Comme d’autre part la France est un pays où il fait tellement bon vivre, n’est-ce pas, il n’y a aucune raison que tellement de gens y soient déprimés. De plus, nous détenons également le ruban bleu de la consommation de vin, excellent antidépresseur naturel. Alors on finit par ne même plus croire à ces funestes statistiques, on se dit qu’il doit y avoir une erreur de calcul quelque part dans les comptes d’apothicaires, et que cette surconsommation médicamenteuse alléguées est une sorte de monstre du Loch Ness, dont on parle tout le temps et que l’on ne voit jamais. Pourtant, début 1995, Simone Veil, alors ministre de la santé, décida d’en avoir le cœur net : elle confia à Edouard Zarifian, professeur de psychiatrie et de psychologie médicale à l’université de Caen, une mission d’étude sur cette boulimie française pour les psychotropes, sur ses causes, sur ses mécanismes, et sur les conséquences de ce qui apparaît désormais comme un véritable phénomène de société. Edouard Zarifian a remis son rapport officiel au ministère de la Santé au printemps dernier. Il vient d’en tirer un livre (1), destiné au grand public, qui devrait se trouver en librairie à partir du 11 septembre. Et qui, attirant une large attention sur le problème, contribuera peut-être à éviter que le rapport Zarifian ne s’endorme dans les tiroirs du ministère. Ainsi, certaines des solutions suggérées seront-elles éventuellement mises en œuvre, malgré les puissants intérêts qui militent pour le statu quo.
Car le doute n’est désormais plus permis. Non, il ne s’agit pas
d’une rumeur infondée, mais d’une réalité : la
France consomme en moyenne, et selon les catégories de produits,
de deux à quatre fois plus de psychotropes que n’importe quel
autre pays européen. Les chiffres ne sont pas contestables,
et pour cause, explique Edouard Zarifian : « Ils proviennent
de sociétés privées spécialisées
qui vendent leurs informations aux laboratoires pharmaceutiques, pour
permettre à ces derniers d’affiner leur marketting. »
Car, il faut le savoir, les médicaments les plus sérieux,
y compris ceux destinés au cerveau, sont, tels les yaourts ou
les chaussures de sport, l’objet de stratégies commerciales sophistiquées.
Le but n’est pas (chacun son métier) de soigner les gens, mais
de leur vendre des molécules. (…) Parmi ces psychotropes, c’est avec la catégorie des tranquillisants que nous nous distinguons de la façon la plus radicale : deux fois plus que les Espagnols, cinq fois plus que les Allemands, huit fois plus que les Anglais ! Seuls les Belges font relativement « bonne » figure en se rapprochant de nos records. (…) Au total, avec près de 8O millions de boîtes vendues chaque année, le marché français des seuls tranquillisants représente un bon milliard de francs. Avec les hypnotiques, la situation est la suivante : deux fois plus que l’Allemagne ou l’Italie, et nettement plus que le Royaume-Uni. Du côté des neuroleptiques et des antidépresseurss, l’exception française est un peu moins marquée, mais nous restons toujours bons premiers, et de loin. Pourquoi ? Bien sûr, on pourrait penser que les Français sont, traditionnellement, un peuple de … drogués à l’alcool. Et comme, même si nous en demeurons les champions ou peu s’en faut – cette consommation d’alcool est en nette régression, il serait logique de compenser par autre chose, en l’occurrence, les psychotropes. Mais cette explication simpliste ne colle pas du tout, car la comparaison des disparités régionales, pour l’absorption de vins et alcools d’une part, de psychotropes de l’autre, montre qu’il n’y a strictement aucun rapport. Ce n’est ni là où l’on boit le moins (ou le plus) qu’on se drogue le plus (ou le moins). Les deux cartes sont indépendantes, et toute coïncidence éventuelle, dans un sens ou dans un autre, ne saurait être que le fruit du hasard. (….) Ce ne sont pas les malades qui en auraient le plus besoin qui en consomment le plus. Au contraire, assure Edouard Zarifian, car « les patients auxquels ces produits sont destinés, et qui ont vraiment un bénéfice à en attendre, sont toujours les plus réticents. Ils ne les demandent pas, et ne se laissent généralement prescrire qu’avec une certaine méfiance ». Résultat : on peut être à la fois le pays qui absorbe le plus de pilules psychotropes et celui où la grande majorité des déprimés sont peu ou mal soignés.
Mais pourquoi diable les médecins prescrivent-ils ces produits
à tour de bras à des gens qui n’en ont pas réellement
besoin – lesquels ne les réclament que pour pouvoir se droguer
sans quitter le cadre de la légalité, préférant
donc s’adresser à un médecin plutôt qu’à
un dealer ordinaire, avec l’avantage du remboursement en plus ?
Ici, il faut le dire, c’est la faute aux Américains ! Car, selon Edouard Zarifian, en France comme en Europe et partout ailleurs dans le monde, avec la bénédiction de l’OMS « la médecine clinique psychiatrique est totalement inféodée au modèle nord-américain. La psychopathologie a disparu, et nous débouchons sur une sorte de psychiatrie automatique, avec son catalogue de symptômes répertoriés, informatisables, correspondant chacun à une combinaison médicamenteuse ». Plus question d’écouter le malade, considéré comme un être unique plongé dans un environnement particulier. Il doit se comporter en bon cobaye standard, avec une affection numérotée. Pour le soigner, on tape le numéro sur un ordinateur, et le remède (chimique bien sûr) s’affiche sur l’écran. (….)
Mais alors, pourquoi souffririons-nous davantage que les Américains
eux-mêmes et que tous les autres pays de la planète qui
y sont soumis, de ce modèle psychiatrique américain ?
« C’est que, répond le Professeur, ce modèle
s’applique chez nous sans le moindre contrôle, sans le moindre
contre-pouvoir ». C’est le règne de la pensée
unique par le jeu de la double casquette : la plupart des experts de
l’Agence du Médicament, des universitaires et chercheurs influents
dans les instances nationales de la santé publique, sont aussi
« consultants auprès des laboratoires pharmaceutiques,
ou dépendent d’eux pour le financement de leurs recherches
». D’où une fâcheuse confusion des genres : «
Aux Etats-Unis, au moins, lors de la publication d’un travail scientifique,
on est tenu de mentionner ses sponsors ». (1) « Le Prix du bien-être. Psychotropes et société », par Edouard Zarifian, Odile Jacob, 29O pages. |
|
|
|
Le gouvernement interdit le remboursement d’un médicament anxiolytique trop prescrit Le Monde – 29/1/1998, Jean-Yves Nau Le secrétariat d’Etat à la santé vient de décider d’interdire le remboursement du Lysanxia (dosé à quarante milligrammes), l’un des anxiolytiques les plus prescrits en France. Les autorités sanitaires estiment que ce médicament est trop prescrit et à des posologies trop élevées. Une telle mesure, exceptionnelle, pourrait être prise pour d’autres anxiolytiques, comme le Temesta, le Valium ou le Tranxène. Après le Lysanxia, d’autres produits pourraient faire l’objet d’une telle sanction.
Perçue comme un vigoureux coup de semonce, l’affaire agite le
monde de l’industrie pharmaceutique et, par contrecoup, ceux de la psychiatrie
et de la médecine générale. Dans un communiqué
en date du 26 janvier, le ministère de l’emploi et de la solidarité,
ainsi que le secrétariat d’Etat à la Santé,
ont annoncé que l’un des médicaments anxiolytiques parmi
les plus connus des prescripteurs français – le lysanxia de la
multinationale Parke-Davis – ne serait plus, dans sa présentation
à quarante milligrammes, remboursé par la Sécurité
Sociale.
« Dose maximale autorisée » « C’est la première benzodiazépine retirée du remboursement. Malgré les avertissements, plus du quart des prescriptions de ce médicament dépassaient la dose maximale autorisée, a souligné Jean-François Bénard, président du comité économique du médicament. Le chiffre d’affaire des anxiolytiques atteint 1 milliard de francs annuel. Globalement, il y a surconsommation. Nous sommes en train de procéder à un examen accéléré des autres benzodiazépines à fort dosage comme le Témesta, le Valium, le Tranxène ou l’Urbanyl. S’il s’avère qu’existent de pareils débordements de prescriptions, la mesure de retrait du remboursement interviendra. » D’une manière plus générale toutes les benzodiazépines seront examinées. (Une étude citée dans le rapport du professeur Edouard Zarifian sur la prescription de médicaments psychotropes – mars 1996 – Le rapport a évalué à 11 % le nombre d’adultes prenant, au moins une fois depuis au moins six mois, un médicament psychotrope, tranquillisant, hypnotique, neuroleptique ou antidépresseur).
|
|
Psychotrope n.m. (anglais Psychotropic Drug ou Mind altering drug) Substance naturelle, semi-synthétique ou synthétique, susceptible de modifier l'activité mentale (au niveau de la vigilance, des perceptions, du cours de la pensée, de l'humeur).
Tranquilisants
Se définissent par comparaison avec les autres composés
de la famille des psycholeptiques : sur le plan pharmacologique, ils
ne sont ni des hypnotiques, ni des neuroleptiques, ni des régulateurs
de l'humeur.
Antidépresseur n. m. (angl. Antidepressant) Substance qui a la capacité d'inverser l'humeur du déprimé (syn. Thymoanaleptique).
Neuroleptique tranquillisant majeur.
Anxiolytique : n. m. Médicament de l'anxiété La majorité des anxiolytiques appartiennent à la catégorie des psycholeptiques, ou sédatifs (J. Delay et P. Deniker, 1957). On les situe dans le sous-groupe des tranquillisants mineurs et sédatifs classiques. LAROUSSE, Sciences de l'homme. Dictionnaire de Psychiatrie et de Psychopathologie Clinique, sous la direction de Jacques Postel.
Hypnotique
Globalement, la France (avec de
fortes disparités régionales) est largement
championne pour les 4 catégories de psychotropes. Elle en consomme
3 fois plus que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne et 2 fois plus que
l'Italie.
Famille des tranquilisants La France consomme :
SOURCE : "Le prix du bien-être" Edouard ZARIFIAN, Odile Jacob - parution sept 96.
|
|
|
Retour |